Saransk, sans conteste l’un des souvenirs les plus marquants de mes trois années en Russie : un vol en Antonov 24, bi-moteur à hélices, de la compagnie "Mordovskiy Avialiniy" au départ de Moscou, vestige des années 60, en lieu et place de mon avion à réaction moderne, et une arrivée dans une nuit glaciale de novembre, par -13 degrés, voilà pour les souvenirs indélébiles.
AN-24. Pas franchement rassurée en montant à bord
De Saransk, je ne savais que trois choses avant d’y aller pour un voyage d’affaires : 1) c’est la capitale de la Mordovie, région au climat continental où de nombreuses colonies pénitentiaires sont installées, 2) c’est l’un des centres de fabrication de composants électriques en Russie et 3) c’est la ville ou Gérard Depardieu est officiellement enregistré depuis qu’il a obtenu la citoyenneté russe.
Le lendemain de mon arrivée, j’apprenais une information vitale pour la ville : elle était aussi l’une des villes hôtes de la Coupe du Monde de football, et mes interlocuteurs en étaient très fiers. Sans doute à raison : Saransk est de loin la plus petite des villes hôtes de la Coupe du Monde. Elle compte environ 300 000 habitants, quand toutes les autres villes à l’exception de Sotchi, dépassent le million d’habitants.
Saransk est une ville relativement ancienne en Russie : elle a été fondée en 1641, à l’époque pour protéger la frontière sud-est de la Russie. Comme toute ville protégeant une frontière, c’était une forteresse, dont les vestiges sont toujours visibles. La ville est depuis toujours peuplée de Russes, Mordves (habitants de la Mordovie) et Tatars. Le monument le plus emblématique de la ville est la cathédrale Saint Théodore Ushakov.
Cathédrale St. Théodore Ushakov et statue de Fyodor Ushakov - Crédit photo : Gordeev
C’est aussi une ville qui a su tirer parti des redistributions d’argent du niveau fédéral au niveau régional : les infrastructures sportives et culturelles de la ville sont parmi les plus belles et plus récentes que j’aie vues en Russie.
Je ne me souviens plus qui m’avait dit que Saransk est une ville grise et morne, mais je dois démentir cette affirmation. La ville est plutôt colorée, surtout pour une ville de province redessinée dans les années 1960-70 par les architectes et urbanistes soviétiques.
Outre la cathédrale, le théâtre et les centres commerciaux qui sont modernes et colorés, la ville a entrepris une politique de réhabilitation des célèbres Khrouchtchevkas, ces bâtiments d’habitation tous semblables, construits dans les années 1960, en favorisant l’isolation extérieure et le bardage avec des revêtements de couleurs, qui donnent un côté inattendu et pas du tout désagréable à ces bâtiments habituellement sans âme.
Il faut avouer que beaucoup de ces bâtiments ont besoin d’une rénovation de fond, et pas seulement à Saransk. Ils n’étaient pas prévu pour durer ad vitaem, mais pour résoudre une crise du logement. Ce sont des bâtiments préfabriqués, à l’isolation plus que perfectible, mais dont la durée de vie peut être bien supérieure aux 25 ans initialement envisagés à leur construction, à condition d’être bien entretenus – ce qui n’a pas été le cas au fil des décennies.
Un exemple de bâtiment coloré : le musée régional. Crédit photo : Anna Katik - CC-YY
A vrai dire, je pourrais vous parler plus en détail des usines de composants électriques que j’ai visitées que de la ville, car j’y ai fait un passage très rapide (voyage d’affaires et non pas touristique), mais j’en garde un bon souvenir, surtout des gens que j’y ai rencontrés. Comme souvent dans l’industrie russe, vous avez une immense probabilité de tomber sur des interlocuteurs originaires de la région, parfois même depuis plusieurs générations.
Et comme Saransk est une petite ville – à l’échelle russe, c’est un trou en province… - il n’y a qu’un vol par jour pour rentrer à Moscou, tard le soir. Ce qui est naturellement un excellent prétexte pour accepter une invitation à dîner avant d’aller prendre le vol de Moscou puis une correspondance de nuit pour ma destination finale.
Avant Gérard Depardieu, il n’y avait pas forcément eu beaucoup de visiteurs français à Saransk, ce qui nous a valu un excellent accueil et une invitation dans un restaurant assez inhabituel : c’est à la fois un bar, un restaurant, un centre de jeux pour jeunes enfants et un centre de séminaires. Intégralement en bois, une sorte d’énorme isba, au bord de la rivière. Et sans aucun doute un endroit où j’irais voir les matches de la coupe du monde à défaut d’aller au stade si j’étais à Saransk en juin.
Ceci étant, Saransk est plus une étape en Russie qu'une destination en soi, car ce n'est pas une ville touristique, et il y a peu d'attractions pour les visiteurs, en particulier les visiteurs étrangers. Le stade de la ville est à l'image d'autres bâtiments : coloré !
Mordovia Arena, le stade construit pour la Coupe du Monde. Crédit photo : Erzianin - CC-YY
Caroline
Cet article a été rédigé quelques semaines avant la Coupe du Monde de Football 2018 en Russie et a été mis à jour en juillet 2019.